Bernard
BUFFET
 
     
 
Entretiens avec Bernard BUFFET
 
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Iconographie

Documentation

 
Extraits d’entretiens diffusés sur la RTF en 1950 et 1951
source : Le monologue du Peintre - Georges Charbonnier - 1959 - Editions Juliard

Question : Bernard Buffet, pensez-vous être un peintre réaliste ?
Réponse : Oui.

Pourquoi ?
Pour moi la notion de réalisme correspond à la reconnaissance des objets de la nature. La peinture réaliste, pour moi, c’est là le concret.
A quelles conditions dites-vous qu’une toile est réaliste ?
A partir du moment où je reconnais les objets, un paysage, des choses qui existent, un arbre, un portrait … enfin n’importe quel objet reconnaissable.


Autant de peintres, autant de toiles, autant de représentations différentes ?
Différentes.


Autant de représentations que l’on reconnaît pour les représentations d’un même objet ?

Ces représentations ont une base semblable, qui est une base concrète.

Et si je demande à soixante peintres de faire soixante toiles représentant le même paysage, à la même échelle, je ne pourrai faire coïncider aucun objet …
Oui, vous aurez soixante choses différentes.

Et cependant je les reconnaîtrai.
Et vous les reconnaîtrez : c’est là le merveilleux de la peinture réaliste.


Et ces soixante toiles peuvent être véritablement considérées comme « réalistes » ?
Ah ! oui, elles seront réalistes. Elles seront concrètes ! Et c’est cela qui sera merveilleux, c’est que vous aurez soixante toiles différentes. Je dirai même qu’il faut espérer soixante toiles différentes.

Faut-il penser que ces soixante peintres ont vus les choses différemment, ou qu’ils les ont représentées différemment ?
Ils les ont senties différemment. Autant d’individus différents, autant, par exemple, d’écritures différentes ; autant de voies différentes, autant de profils différents. C’est la même chose.

Le spectateur de la toile réaliste se trouve donc en présence de quelque chose qui peut-être hostile, de quelque chose qui est différent…
Oui. Il est en face d’un fait, d’un objet. Les gens n’aiment pas beaucoup ça.

Et cela doit être même extrêmement inquiétant. Je pense à ce spectateur qui est en face du poulet de Soutine. Il voit que c’est un poulet. Il reconnaît un poulet, et peut-être se dit-il : « Un poulet, ça n’est pas comme ça… Et si l’autre avait raison ?… »
Ça lui montre que c’est un poulet mort : les gens n’aiment pas beaucoup voir la réalité en face.

Vous pensez donc que la peinture abstraite ne compromet pas son spectateur ?

Ah ! Pas du tout. Bien au contraire !

Qu’elle le repose, qu’elle le laisse aller à vau-l’eau… qu’elle lui permet de s’abandonner… plus : qu’elle ne lui permet pas de se constituer, de faire bloc. Comment la peinture abstraite éveillerait-elle sa colère?

Elle lui laisse la conscience tranquille.

La peinture réaliste est-elle donc une peinture qui contraint le spectateur à l’existence ?
Je le pense. Elle force le spectateur à exister. C’est la contrainte qui le force à exister, ce qui lui est pénible et qu’il ne supporte pas…

Autrement dit, pour vous, la peinture réaliste, précisons « la peinture telle que l’on reconnaît ce qu’elle représente », impose au spectateur existence et conscience.

Oui. Donc elle compromet le spectateur.

Interview de Bernard et Annabel Buffet par Michel Drucker
source : émission Champs Elysées - Antenne 2 - février 1989

Question à Bernard Buffet : Annabel vous a souvent inspiré ?
C'est Annabel qui répond : Je ne sais pas si c'est vrai. Il y a des tableaux qui datent de bien avant qu'il ne me connaisse et les gens disent : cela vous ressemble, c'est frappant. Je crois que c'est le contraire. C'est parce que je ne lui dérangeais pas l'oeil qu'il m'a prise. Je rentrais déjà dans ses tableaux.